Du 8 au 14 janvier 2020 à l’Apollo Ciné 8

A l’Apollo Ciné 8 cette semaine, du 8 au 14 janvier 2020,
Notre-dame de Valérie Donzelli, Adults in the room de Costa Gavras, Paris Texas de Wim Wenders et toujours La Vérité d’Hirokazu Kore Eda, Les Misérables de Ladj Ly, le cristal magique de Nina Weks et Regina Welker au tarif Rochefort sur Toile : 6€ toutes les séances.
L’équipe de Rochefort sur Toile vous souhaite une bonne et heureuse année 2020 et vous donne rendez-vous :
le 22 janvier => Apéro-ciné (Terrasse Colbert)
le 24 janvier => Soirée rencontre avec Damina Poitou pour le film: Atlantique de Mati Diop et
le 11 février => Assemblée générale Rochefort sur Toile suivie de la projection du film « et la femme créa Hollywood »
Notre-dame
Comédie franco belge de Valérie Donzelli (1h35)
Synopsis
Elle est architecte, mère de deux enfants, et remporte sur un énorme malentendu le grand concours lancé par la mairie de Paris pour réaménager le parvis de Notre-Dame…
Entre cette nouvelle responsabilité, un amour de jeunesse qui resurgit subitement et le père de ses enfants qu’elle n’arrive pas à quitter complètement, Maud Crayon va vivre une tempête.
Une tempête, qu’elle devra affronter pour s’affirmer et se libérer.
Séances en Version Française (VF) | ||||||
Me.8 | Je.9 | Ve.10 | Sa.11 | Di.12 | Lu.13 | Ma.14 |
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20h30 | 16h00 | 16h00 | 15h30 | 13h30 | 13h30 | |
20h30 | 20h30 | 20h30 | 20h30 | 20h30 |
Critique par Mathilde Blottière – Télérama
Maud Crayon est architecte. Elle a deux enfants, un ex qui s’invite dans ses draps et un patron tyrannique. Maud s’occupe de tout, court toujours et habite Paris. Une ville de plus en plus difficile à vivre, entre déluges liés au réchauffement climatique et montée de la violence, matérialisée par une épidémie de gifles distribuées au débotté. Pour apaiser ce climat chaotique, et « réconcilier religion, République et tourisme », la Mairie de Paris lance un concours de réaménagement du parvis de Notre-Dame. Maud le gagne, mais sur un étrange malentendu. Ne manquait plus alors que le retour de son amour de jeunesse.
Valérie Donzelli revient en force, mais tout en légèreté, avec cette comédie tourbillonnante et drôle sur les tribulations d’une héroïne aussi attachante que peu sûre d’elle. En retournant au style bricolo-poétique de son premier film, La Reine des pommes — du cinéma fait main, à l’image des irrésistibles maquettes confectionnées par Maud —, la cinéaste retrouve une fraîcheur qui fait mouche. Sans se départir d’un indéniable sens du rythme et du burlesque, elle dit bien les maux du présent, comme la dureté des rapports sociaux, le sort des migrants, ou encore la charge mentale des femmes.
Cet art de saisir l’air du temps par la fantaisie n’exclut en rien une autre lecture, plus intime et autobiographique. Notre dame est le récit d’un échec et d’une façon de s’en relever. Après le succès de La guerre est déclarée (2011), Valérie Donzelli avait connu un sérieux passage à vide à la sortie de Marguerite et Julien (2015), très mal accueilli. Avec pas mal d’autodérision et d’élégance (voire un gracieux mauvais goût), la cinéaste transfigure l’épisode avec cette histoire de reconstruction. Du cinéma et de l’architecture comme antidotes à l’effondrement.
Adults in the room
Drame franco-grec de Costa-Gravas (2h04)
Synopsis
Séances en Version Française (VF) | ||||||
Me.8 | Je.9 | Ve.10 | Sa.11 | Di.12 | Lu.13 | Ma.14 |
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17h30 | 17h40 | 10h50 | 20h05 | 17h35 | ||
17h40 | ||||||
Séances en Version Originale (VO) | ||||||
Me.8 | Je.9 | Ve.10 | Sa.11 | Di.12 | Lu.13 | Ma.14 |
17h55 | 20h00 | 20h00 | 17h35 | 20h05 |
Critique
S’attaquant à nouveau au milieu de la finance, Costa-Gavras porte aux nues un Yánis Varoufákis seul face aux arcanes bruxellois en pleine crise grecque.
Ministre des Finances pendant six mois du gouvernement Syriza d’Aléxis Tsípras entre janvier et juillet 2015, le professeur d’économie d’envergure internationale Yánis Varoufákis en a tiré en 2017 un récit détaillé, Adults in the Room, sur sa fugace mais intense expérience politique, et tout particulièrement les négociations à couteaux tirés avec les représentants de l’Eurogroupe à Bruxelles où il plaidait pour une restructuration de la dette grecque. La notoriété de Varoufákis, son charisme naturel de frondeur antilibéral et son sens de l’intervention médiatique en ont fait un des personnages les plus à même de rendre palpitant l’infernal feuilleton de la crise économique traversée par la Grèce. Costa-Gavras s’appuie sur le livre mais aussi sur les rencontres et discussions personnelles qu’il a pu avoir avec Varoufákis pour bâtir un film qui lui donne le beau rôle face à une machine européenne décrite sous les atours d’une officine glaciale, technocratique, bien décidée à écraser les peuples sous le rouleau compresseur de politiques austéritaires dictées en sous-main par les grands argentiers des banques léchant leurs plaies de la crise des subprimes en répétant le mantra libérateur : « Socialisation des pertes, privatisations des profits.»Spécialiste de la théorie du jeu, Varoufákis (Christos Loulis) n’en demeure pas moins à l’écran un homme déboussolé quand il comprend qu’il est possible de rencontrer un ministre comme Michel Sapin qui l’assure en réunion privée et tout en rondeur de son soutien et qui le lâche en une volte-face intégrale deux minutes plus tard en conférence de presse. La même stratégie de l’enfumage et du retournement de veste s’appliquera aussi avec Pierre Moscovici qui fait mine de vouloir l’aider et qui, si l’on en croit le film, essaie juste de lui faire signer un accord où il se prendrait les pieds dans le tapis, acceptant précisément ce contre quoi il se bat depuis des mois. Le personnage le plus violemment chargé est sans surprise la figure de Wolfgang Schäuble (Ulrich Tukur), ministre fédéral des Finances allemand qui depuis son fauteuil roulant de paraplégique vocifère contre son homologue grec, poussant la Grèce à sortir de l’UE puisqu’elle ne veut pas adopter le mémorandum de la troïka (Banque centrale européenne, Fonds monétaire international, Commission européenne) imposant à un pays par ailleurs endetté à hauteur de plus de 300 milliards d’euros un ensemble de mesures drastiques de rigueur pour pouvoir bénéficier d’une nouvelle tranche d’aides.
Spirale mortelle
L’inconciliable combat de coqs entre le Grec cool adepte du compromis et le tyranneau germanique trônant sur ces certitudes, c’est le genre de couple que l’on aime encore voir apparemment aujourd’hui, un quart de siècle après la signature du traité de Maastricht. Dans la manière dont le film met en scène la grande salle semi-circulaire de réunion de l’Eurogroupe, Costa-Gavras dépeint le monde clos et sans fenêtre d’une guerre des nerfs où on finit par se demander pourquoi tout le monde paraît consacrer des heures et des heures d’échanges stériles à ne pas trouver de solution. Varoufákis plaide la flexibilité des conditions de remboursement de la dette car il lui semble que le pays est entraîné dans une spirale mortelle, mais le film ne montre pas comme un climax éventuellement problématique le moment où le gouvernement Tsípras prend la décision de fermer les banques pour remédier à un possible défaut de trésorerie, créant la panique dans la population.Deux lectures de cette séquence de six mois prévalent, mais reposent l’une et l’autre sur le postulat d’une séquence de pure façade, destinée à jouer la montre soit pour obtenir la reddition grecque (lecture de Varoufákis), soit pour mettre l’Eurogroupe au pied du mur au moment du référendum et de la menace d’un Grexit. Le film tranche nettement en faveur de la première thèse et disqualifie d’ailleurs au passage l’un des successeurs de Varoufákis, le jeune George Chouliarakis, montré comme un intrigant qui le «dégoûte». Le quotidien I Avgi, pourtant affilé à Syriza, n’a pas hésité à décrire le film de Costa-Gavras comme porteur d’une vision «europhobe» et en effet, on ne sort pas de la projection avec une très haute idée de ce collectif de grands carnassiers tournant en rond autour de leur proie dans une cathédrale d’hypocrisie sadique. «Print the legend» comme on dit chez John Ford et Varoufákis a gagné grâce à Gavras un nouveau quart d’heure de gloire. Didier Péron – Libération
Paris Texas
Drame germano-français de Wim Wenders (2h27)
Palme d’Or au festival de Cannes 1984
Synopsis
Séances en Version Originale (VO) | ||||||
Me.8 | Je.9 | Ve.10 | Sa.11 | Di.12 | Lu.13 | Ma.14 |
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19h45 | 17h40 | 17h30 |
Critique
… Des plans qui, du désert du début aux buildings de Houston, sont d’une beauté fascinante; pour exemple ce plan au cours duquel le visage de Travis se substitue sur le miroir au visage de Jane, ils ne font plus qu’un, comme au temps où ils étaient encore un couple. La guitare de Ry Cooder, seule musique utilisée dans le film, vient ajouter une émotion supplémentaire. Ses accords viennent caresser les images pour leur donner une lumière, un accompagnement en totale harmonie.
PURE EMOTION
A cela vient s’ajouter le travail des acteurs. Le film débute et se termine avec Harry Dean Stanton qui imprime sur la pellicule sa haute silhouette mince. Il a déjà une longue carrière derrière lui mais Travis sera son premier rôle principal. Dix ans trop tard selon Wim Wenders, mais jamais trop tard pour le spectateur, qui suit avec émotion et tendresse le douloureux parcours du père et mari qu’il incarne à la perfection. Nastassja Kinski avait déjà joué pour Wenders dix ans plus tôt dans Faux Mouvement, son premier film; elle avait alors quatorze ans. Il avait tourné avec une enfant et retrouve une actrice accomplie dont le face à face avec Harry Dean Stanton est le moment le plus intense du film. Un long plan sur le visage de l’actrice qui donne une résonance particulière aux mots du monologue de Travis. L’émotion à l’état brut. Dean Stockwell incarne aussi parfaitement ce frère qui fait tout son possible pour rendre sa vie à Travis, même si c’est au détriment de la sienne. Alors qu’Aurore Clément, sa femme à l’écran, est lumineuse en mère de substitution de Hunter. Celui-ci est interprété par Hunter Carson qui, du haut de ses huit ans, a prouvé selon Wim Wenders un bel esprit d’improvisation, la merveilleuse scène de retrouvailles entre la mère et l’enfant en étant un exemple. Si Paris, Texas a obtenu la Palme d’Or, le prix international de la critique et le prix œcuménique à Cannes en 1984, c’est parce qu’il représente l’accord parfait entre un scénario bien écrit, des images d’une telle beauté qu’elles en deviennent des tableaux – l’avant-dernier plan sur le parking ne dépareillerait pas dans une exposition du peintre Hopper -, des acteurs qui donnent une dimension à leur personnage et une musique qui accompagne si bien qu’elle devient l’ombre des images. Le film le plus beau et le plus émouvant de ces vingt dernières années, et ce pour longtemps encore. Carine Filloux
La Vérité
Drame franco japonais de Hirokazu Kore-eda (1h47)
Premier film étranger de Hirokazu Kore-eda qui a remporté la Palme d’or au festival de Cannes en 2018.
Synopsis
Fabienne, icône du cinéma, est la mère de Lumir, scénariste à New York. La publication des mémoires de cette grande actrice incite Lumir et sa famille à revenir dans la maison de son enfance. Mais les retrouvailles vont vite tourner à la confrontation : vérités cachées, rancunes inavouées, amours impossibles se révèlent sous le regard médusé des hommes. Fabienne est en plein tournage d’un film de science-fiction où elle incarne la fille âgée d’une mère éternellement jeune. Réalité et fiction se confondent obligeant mère et fille à se retrouver…
Séances en Version Française (VF) | ||||||
Me.1 | Je.2 | Ve.3 | Sa.4 | Di.5 | Lu.6 | Ma.7 |
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15h45 | 15h20 | 15h20 | 15h20 | 11h00 | 13h30 | 13h30 |
20h20 | 20h20 | 20h15 | 20h15 | 15h20 | 15h45 | 15h45 |
22h30 | 22h30 | 20h20 | 20h20 | 20h20 |
La critique de Louis Guichard, Télérama
Un Japonais à Paris. Sans parler un mot de français, Hirokazu Kore-eda, fort de la Palme d’or et du succès international d’Une affaire de famille (2018), s’est vu proposer de tourner un film ici. Avec Catherine Deneuve, s’il vous plaît. Il en a écrit seul le scénario, a mené le tournage et le montage en osmose avec sa traductrice. Le résultat surprend, séduit, saisit, mélange fluide de cultures, où une belle maison de Montparnasse évoque une demeure traditionnelle du Japon, fantômes compris. À l’inverse d’autres réalisateurs étrangers invités à travailler en France, l’auteur de Still Walking et de Tel père, tel fils conserve sa personnalité une fois délocalisé. Il demeure un observateur subtil et malicieux des liens familiaux : mère-fille, en l’occurrence. Il réussit un film français, mais traversé par une ironie, une irrévérence venue d’ailleurs.
Et d’abord à l’égard de son actrice-monument. Catherine Deneuve joue Fabienne, une star du septième art puissante, toujours active, le verbe assassin, ouvrant le film à un jeu constant entre réalité et fiction. Plus que bien des Français, Kore-eda ose s’aventurer loin dans les références à la biographie de Catherine D., dont on croit parfois reconnaître, au détour d’une scène ou d’une allusion, la sœur disparue, la fille, un ancien metteur en scène… Tout est vrai et tout est faux, évidemment. La vérité, c’est l’illusion. Deneuve est la complice de cette mystification authentique, de cette malicieuse démythification. Elle y gagne un rôle-somme somptueux, où s’illustrent tous ses registres, de la mélancolie à l’extrême fantaisie, avec toujours cette note de subversion détachée qui reste sa signature. Ainsi, à l’évocation, par un chauffeur de taxi, de Brigitte Bardot (qui tourna elle aussi un film intitulé La Vérité), Fabienne esquisse une moue sceptique — au mieux.
La diva publie ses Mémoires, truffés de savoureux mensonges qui la mettent en valeur. À cette occasion, elle reçoit sa fille (Juliette Binoche, sobre et juste), devenue scénariste aux États-Unis, avec compagnon et enfant. La jeune femme a grandi dans l’ombre de sa mère illustre, accumulé blessures et rancunes avant de s’émanciper : les retrouvailles s’avèrent houleuses. Mais, en virtuose de la composition, Kore-eda leur superpose un autre face-à-face mère-fille, beaucoup plus virtuel : Fabienne tourne, ces jours-là, un film de science-fiction où elle joue l’enfant d’une femme immortelle qui, donc, ne change pas et semble de la génération suivante — trouvaille fructueuse. Les répliques de ce film dans le film, cruelles, portent sur la jeunesse éternelle de l’une et sur le vieillissement de l’autre, pourtant née après. Ce travail de cinéma est filmé comme un supplice nécessaire pour la vedette insubmersible, une violence qui est aussi une affirmation courageuse de son âge et de son talent. Un matin de tournage, après plusieurs prises insatisfaisantes, dans une atmosphère tendue, la star finit par s’effondrer et perdre connaissance. Stupeur pour l’équipe et aussi pour nous, spectateurs de La Vérité… Mais bien sûr, la grande actrice se relèvera.
Le cristal magique
Film d’Animation allemand-belge de Nina Weks et Regina Welker (1h21)
Synopsis
Latte n’est pas un petit hérisson ordinaire ! Elle déborde d’énergie et d’une imagination presque trop vive. Un jour, les animaux de la forêt se réveillent et découvrent que la pierre magique disparaît et que la forêt est confrontée à une sécheresse qui les mènera tous à l’extinction.. Latte annonce avec courage et force qu’elle va récupérer elle-même la pierre magique !
Séances en Version Française (VF) | ||||||
Me.8 | Je.9 | Ve.10 | Sa.11 | Di.12 | Lu.13 | Ma.14 |
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13h45 | 13h45 | 11h10 | ||||
18h10 |
« Le Cristal magique » : une fable écologique pour les petits
Ce dessin animé adapté d’un classique de la littérature allemande évoque la survie des espèces confrontées au manque d’eau à travers les péripéties d’une petite hérissonne et d’un écureuil.
L’AVIS DU « MONDE » par Clarisse Fabre: à VOIR
Amy, petite hérissonne espiègle, aimerait bien se jeter à l’eau, barboter au milieu des arbres. Seulement, la rivière est en train de s’assécher, et les dernières réserves viennent d’être gaspillées. Les habitants de la forêt tiennent conseil : apprenant que loin d’ici, le roi des ours, Bantour, s’est accaparé l’eau grâce à un morceau de cristal, Amy, solitaire et sans famille, relève le défi : elle part chercher le cristal magique en dépit des dangers qui l’attendent. Son ami Tom, un petit écureuil plutôt craintif, la suit dans son périple sans prévenir ses parents.
Le Cristal magique, de Regina Welker et Nina Wels, est l’adaptation d’un classique de littérature jeunesse allemand (pour les 5-9 ans), Latte Igel und der magische Wasserstein, de l’auteur finno-suédois Sebastian Lybeck, publié en 1956. Petit avertissement, le dessin 3D un peu basique, ainsi que l’esthétique télévisuelle du film, aux couleurs vives, peuvent décourager. Il n’empêche, le tandem formé par la hérissonne et l’écureuil est espiègle et joyeux.
Des aventures qui s’enchaînent
Rempli de bons sentiments – l’importance des liens d’amitié, de la solidarité et du partage –, Le Cristal magique est une fable écologique, dans l’air du temps, où la question de la survie des espèces est en toile de fond, mais qui saura captiver un petit enfant grâce aux aventures qui s’enchaînent à bon rythme, tout en évitant l’avalanche d’images.
La scène cruciale dans le royaume de l’ours est plus drôle qu’inquiétante. En effet, si Bantour garde l’eau pour lui, c’est non pas pour mijoter un plan diabolique ou détruire la planète, mais pour son plaisir personnel : il raffole des ballets aquatiques et ses sujets lui offrent chaque matin un spectacle de haute volée. C’est l’un des moments les plus réussis du film. En résumé, Bantour est davantage inconscient de ses choix que mal intentionné. Et le jeune fils de Bantour se révélera un précieux allié pour Amy et Tom. A défaut d’être nouveau, le thème de l’arroseur arrosé produit toujours son effet.
Les Misérables
Drame français de Ladj Ly (1h42)
Avec avertissements
Synopsis
Stéphane, tout juste arrivé de Cherbourg, intègre la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil, dans le 93. Il va faire la rencontre de ses nouveaux coéquipiers, Chris et Gwada, deux « Bacqueux » d’expérience. Il découvre rapidement les tensions entre les différents groupes du quartier. Alors qu’ils se trouvent débordés lors d’une interpellation, un drone filme leurs moindres faits et gestes…
Séances en Version Française (VF) | ||||||
Me.8 | Je.9 | Ve.10 | Sa.11 | Di.12 | Lu.13 | Ma.14 |
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13h30 | 22h30 | 13h30 | 13h30 | |||
22h30 |
JKDZ29 a écrit pour « A la rencontre du septième Art » :
Régulièrement caméra à l’épaule, souvent près de ses personnages, Ladj Ly choisit d’ouvrir son film sur la journée de la finale victorieuse de l’équipe de France de football à la dernière coupe du monde. C’est la communion, tout le monde fait la fête, personne ne pense plus à rien, on chante tous la marseillaise et on court dans les rues. Puis cette ouverture heureuse laisse place au quotidien des quartiers, au retour à la réalité, loin de cette éphémère utopie. A travers son film, Ladj Ly communique toute la misère de ces quartiers, la détresse et la peur qui y règnent, les faisant basculer dans un monde sans foi ni loi où il ne s’agit plus que d’être le plus fort. Dans ce qui est devenu une véritable jungle, les individus ne s’écoutent plus, et ne sont plus capables de communiquer autrement que par la violence.
Car Les Misérables développe un climat de tension permanent et étouffant, qui va crescendo jusqu’à un dernier acte apocalyptique s’apparentant à un véritable cri de colère teinté de détresse. Toute prise de parti est évitée. Qu’il s’agisse des habitants des quartiers que des forces de police, tous sont dans la même misère, la même détresse, et n’ont plus que la violence pour s’exprimer. C’est elle qui est pointée du doigt, et surtout ses origines, que sont principalement le délaissement de ces quartiers et de toute une génération qui n’a plus de repères et ne veut pas se conformer à l’ordre établi. C’est l’ingérence et le manque de préoccupation du gouvernement envers ces quartiers que Ladj Ly, qui a lui-même vécu toutes ces situations, pointe du doigt. La rupture est proche, et si rien n’est fait, il ne restera plus que le chaos.
Aucun misérabilisme ni prise de parti, pas de volonté d’être moralisateur, juste exposer les faits tels qu’ils sont, montrer ce que l’on ne montre pas toujours, ou le montrer d’un angle véritablement neutre pour permettre au spectateur de prendre plus de recul, de mieux comprendre. En s’incarnant dans la peau du petit pilote de drones, il se fait le témoin d’une génération abandonnée, un futur sans avenir. Les Misérables offre une plongée dans l’enfer de banlieues où la misère, la peur, le désespoir et la colère ont donné naissance à un monde sans foi ni loi. Un film immersif au plus près de la réalité, avec une tension grandissante qui happe le spectateur.
et la critique de Louis Guichard pour Télérama :
Pour Ladj Ly, 38 ans, c’est un baptême du feu absolu : premier long métrage, première compétition cannoise. Et la réussite est éclatante. On est saisi, happé par cette histoire de bavure policière en banlieue, à la cité des Bosquets de Montfermeil (93), inspirée d’un fait réel de 2008, dont le réalisateur fut le témoin en tant que vidéaste travaillant et habitant sur place – il en tira un court métrage, Les Misérables, déjà, il y a quelques années. C’est aussi un baptême du feu au sens propre, tant le jeune réalisateur s’affronte à une violence de plus en plus incendiaire, un jour d’été brûlant, peu après la victoire des Bleus à la Coupe du monde de foot. Bienvenue dans la France des banlieues. Quant au titre, outre qu’il qualifie parfaitement les conditions de vie de la plupart des personnages, il renvoie, bien sûr, à Victor Hugo. L’écrivain rédigea son roman dans cette même ville de Montfermeil – une scène le rappelle avec humour.
La plus évidente qualité du film est l’équilibre entre les forces en présence, les flics et les jeunes de la cité. Les policiers de la brigade anti-criminalité (dont les révélations Djebril Zonga et Alexis Manenti) qui commettent l’irréparable – un tir de Flash-Ball sur le visage d’un préadolescent – ne sont ni des salauds fachos ni des modèles de vertu. Ils ne sont jamais d’accord entre eux sur les attitudes et les stratégies à adopter. Et ils sont, eux aussi, des habitants du quartier, qu’on suit le soir, à la maison – même si le personnage principal, joué par Damien Bonnard (excellent, une fois encore), prend ses fonctions au début du film, entraînant le spectateur dans sa stupeur de « nouveau ». Ajoutons que, dans son unique scène, Jeanne Balibar, en patronne de la brigade, exprime tout son génie et pulvérise beaucoup de clichés.
En face, les petits et grands frères forment une galerie de personnages impressionnants, flamboyants, pleins de fierté taiseuse ou de colère déchaînée. Beaucoup, originaires du Mali, sont joués par des résidents réels de la cité. Eux aussi échappent à toute caricature, au fil de cette escalade de la violence, dont l’origine est presque dérisoire : le vol d’un lionceau du cirque ambulant… Ladj Ly, formidable directeur d’acteurs, parvient à faire comprendre les raisons de chacun, et pourquoi l’explosion fatale est possible à tout moment. Avec ce film extrêmement vivant, il se réclame de La Haine de Mathieu Kassovitz et du collectif Kourtrajmé qui en découla indirectement. Mais le réalisateur des Misérables évoque aussi le grand Spike Lee des débuts, sa verve, son humanité et une énergie qui n’est pas, loin s’en faut, que celle du désespoir.